Je. N'y. Crois. Pas.

Je retournais pensivement mon portable dans mes mains, j'ai passé la journée dans cet état un peu fébril, un peu hésitant, le coeur constament pincé, les poumons comprimés, comme lorsque je sais que l'inévitable ne va pas être évité sauf si je fais quelque chose, et que ce quele chose met mes nerfs et ma sensibilité à rude épreuve.

Dans ce cas là, ce quelque chose, c'était d'appeller Lucas. Pour lui demander, pour oser lui demander si nous pouvions nous voir pendant les vacances.

 Mais dans ces cas là, y'a toujours des flash backs qui reviennent, des chansons qui sont de nouveau inécoutables sans sortir les mourchoirs, comme "Cendrillon" de téléphone, qu'il m'avait joué, un jour de juillet où il pleuvait à verse, nous étions dans sa chambre bleue aux murs recouverts de poster, assis sur son lit sous celui de Limp Bizkit, je crois. Et il la jouait, "Non, j'vais pas chanter quand même, faut pas pousser. Tu veux pas chanter toi...? C'est toi la chanteuse ici..." et depuis, depuis cette chanson bénéficiait d'une écoute attentive à chaque passage radio, et ensuite, le 21 octobre, elle a été sévérement censurée par moi même qui comptait bien éviter de fondre en larme inopinément, inopinément à l'écoute fortuite, voir furtive de cette chanson.
Elle a été remise en circulation depuis ce fameux vendredi où nous sommes rentrés ensemble, mais aujourd'hui dans un vieux reflexe est redevenue inécoutable. ... fallait bien qu'elle le redevienne, écoutable.

Deux tours, mains tremblantes, bruit mat sur le sol...l'appeller? Ne pas l'appeller? Telle est là question ou être ou ne pas être, mais qu'est ce c'est d'être? Et est ce que j'ai besoin d'être pour aimer? Et si c'est lui qui décroche? Que vais-je dire? Et si c'est sa mère? Sa soeur? Florence? L'autre? France, qui sait? Son chien qu'il n'a pas? Dieu en lequel il ne croit pas? Le plombier? Son père?

Et même que pour parer à toutes ces éventualités, j'avais ficelé un dialogue furtif entre moi et moi même.

Maman de Lucas: -Allô bonjour, pourrais-je parler à Lucas?
-Oui, je te le passes.

Soeur de Lucas (Florence):
-Allô bonjou...heu...salut, tu peux me passer Lucas s'il te plaît?
-Ouais j'te le passes...*criant* Lucaaaaaaas!!! C'est Etolannnnnneeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee!!!
Oui, j'ai jamais compris comment elle se souvenait de mon prénom et me reconnaissait à chaque fois. Si sa se trouve, dès que j'allais chez eux et qu'elle me voyait, elle s'imaginaity déjà étant ma demoiselle d'honneur? Le témoin du mariage de son frère? (Je psychopathose.)

Papa de Lucas idem que maman de Lucas.

Lucas : Mon Dieu en lequel je ne crois pas, pitié que je le reconnaisses du premier coup pour éviter de me ridiculiser lamentablement avant de lui exposer ma requête.

Répertoire, L...L...L...enfin, le L que je cherches.

Mais tu ne dis pas les mains qui tremblent, les touches devenues humides et glissantes, et les joues en feu. Tu ne dis pas non plus qu'avant d'appeller, tu as déjà préparé ce que tu allais lui dire. "Alors heu...tes TPE? Ca c'est bien passé? T'avais qui en jury? Tu sais ta note? Tu étais renversant en chemise blanche." Quoique non, peut être pas ce dernier point!

Dernière hésitaion, mais tardive: la tonalité résonne déjà dans mon oreille, si je raccroche...Je ne peux pas raccrocher. Prise au piège, dirons nous. Je me maudis de l'avoir appellé, avant même de l'avoir appellé. Tout va bien, c'est ma logique naturelle qui prends le dessus.

"Allô"
"Al...Lucas? C'est Etolane!
"Ah!! Salut!! Ca va?
"Ben...oui, et toi?
"Ca va.
"Et ton TPE?
"Ca a été, le jury était relativement sympas.
"Tu as ta note?
"Non, et je ne sais pas quand est ce que je l'aurais.
"A la rentrée...je pense. Dis, j'appellaispoursavoirsionpouvaitsevoirpendantlesvacances.
"Alors...Je pars la première semaine, maisladeuxièmejepensequeçairaj'auraisdutempsnormalement.
"Ok, c'est cool alors. (cool? cool? y'a encore des gens qui disent cool en 2005, et j'en fais partie.) Tu pars où?
"A la campagne, à côté de la Rochelle.
"Tous le monde part au ski, toi c'est à la campagne, t'es génial.
"J'sais merci. Nan, j'dec. Et toi, tu pars pas?
"J'devais partir, mais...oui mais non. J'en profiterai pour taffer comme ça. Je te rappelle la semaine prochaine alors!
"Ok! Bonne vacances!
"Toiaussibisous!
"Alasemaineprochainesalut!"

Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer, maudit soit à jamais le rêveur inutile qui voulut le premier dans sa stupidité, s'eprenant d'un problème insoluble et stérile aux choses de l'amour mêler l'honnêteté...Charles Baudelaire "Les fleurs du mal"

Et comme je m'en doutais, le supplice a pris fin. Plus d'étau autour du coeur, je suis en paix avec moi même.

Et je ne chercherais pas inutilement un reflet pendant une semaine...

Et radieuse d'y avoir cru, et radieuse d'y croire encor, et persuadée d'avoir voulu, sous les drapaux rouges et les ponts d'or, le meilleur et le nu qui glisse dans nos corps...