Cette fois ci, c'est moi qui ai poussé Marine jusqu'en haut de la pente. On descendait en riant, et on l'a vu, là, ce caddie qui nous attendait, peut être même le même que la dernière fois, qui sait. peut être qu'il savait que nous repasserions, et qu'il patientait ici, avec pour seule compagnie l'espoir de nous revoir. Qui sait ce qui se passe dans la tête d'un caddie, après tout!

C'est bizarre, le bonheur, ça a un goût rare, ou peut être que j'en avais perdu l'habitude. Mais parfois, ça reflue, comme la marée. On se dit que la marée basse, ce sera peut être la nuit, parfois ça arrive en plein jour. Et là, on se retrouve devant une glace, un miroir interieur. Tout ce qui est futil paraît catastrophique, et tout l'important paraît frivole.

Je suis amoureuse. Très amoureuse. Mais ça ne vous étonne pas, depuis le temps, vous me connaissez, peut être mieux que moi même je peux me connaître. Je suis un vrai coeur d'artichaut. Je suis amoureuse. Double amoureuse, en plus. Amoureuse...si je pouvais, je les épouserais, mais c'est interdit par la loi. Je suis amoureuse de mes Van's...que j'ai trouvé toute à l'heure...elles sont de la couleur de ce Joueb. Je suis amoureuse.

Et je suis furieuse, aussi, et demain, je fais des tracts, et lundi, je les distribues, et mardi, je manifeste. Lundi, ce sera la St Valentin, et je la fêterai seule. Pourquoi? Parce que j'aimais Lucas, et je me sentais seule, pleine de se manque de lui, que je pensais pouvoir combler avec n'importe qui. Mais maintenant que tout est clair entre lui et moi, je rêvasse à nouveau, de l'amour et du vrai, et non d'un simulacre tout juste bon à motiver les foules. Donc à quoi bon sortir avec quelqu'un que je n'aime pas? C'est mortellement ennuyeux pour moi qui veut de la passion, du mouvement, des jalousies, du désordre dans nos coeurs et dans nos vies.

Au moins, j'ai compris beaucoup de choses.

Je crois que je ne t'aime plus, je te regarde je ne vois rien
Tes pas ne laissent plus de traces à côté des miens
Je ne t'en veux pas, je ne t'en veux plus
Je n'ai juste plus d'incendie au creux du ventre c'est comme ça...

Ce n'est pas non plus tout à fait vrai, dire qu'il ne m'attire plus, que ses lèvres ne m'ensorcèlent plus, et que ces yeux me sont indifférents, tout ça est faux, bien sûr, on s'en doute. Je l'aime encore, bien sûr, mais différament. d'abord, cet amour se transforme en amitié, et les restes sont des crevasses qui marqueront mon coeur à jamais. C'est comme ça, je vivrais avec.

Tout à l'heure, Nous étions sous l'arrêt de bus avec Marine, à discuter de tout et de rien, et de fredonner Saez, je crois, quand Brice et Jo sont arrivés. J'ai trouvé leur apparition presque irréélle, comme si nous quatre sous cet arrêt de bus, c'était un pur délire embrumé par des vapeurs d'alcool et des nuages de fumée. Je ne sais pas pourquoi, peut être parce qu'en des années, ça ne m'avait jamais été donné de les croiser tous les deux à l'improviste?

Nous avons discuté vite fait, j'ai fait la bise à Brice, puis Jo était toujours malade, m'a t"il dit avec un grand sourire. Jo et ses sourires, c'est tout un roman, tout un monde. Quand ils sont descendus du bus, Mamour m'a dit "Tu peux redevenir toi même, il est parti." Mon trouble, comme la moindre de mes émotions, se lit sur mon visage.

Mais je cultive, et j'en prends soin, de cette différence, de cette incapacité à maîtriser ma spontanéité. Dans mon esprit, c'est une force, et j'aime.

J'aime, j'aime...